vendredi 27 décembre 2024

BQN n°2 - Page 18 : ARTHUR RIMBAUD IN VERDUN de Penny Rimbaud . - Illustrations sonores : "Nagasaki Nightmare" de Crass & "Arthur Rimbaud in Verdun" de Penny Rimbaud with Ingrid Laubrock, Louise Elliot & Evan Parker.

           


Né le 8 juin 1943, Jeremy John Ratter alias Penny 'Lapsang' Rimbaud est un écrivain, poète, philosophe, peintre, musicien et activiste de la contre-culture. Il a été membre des groupes d’art de la performance EXIT et Ceres Confusion, et en 1972, il est co-fondateur du Stonehenge Free Festival, avec Phil Russell alias Wally Hope. En 1977, avec Steve Ignorant, il cofonde le groupe punk anarchiste Crass dont il est le batteur. Crass se dissout en 1984. Jusqu’en 2000, Jeremy Rimbaud s’est consacré presque entièrement à l’écriture ; Il revient sur la scène publique en 2001 en tant que poète de performance, travaillant avec la saxophoniste australienne Louise Elliott et une grande variété de musiciens de jazz sous l’égide de Last Amendment.

De Crass jusqu'à sa carrière solo, Penny Rimbaud participe à de nombreux disques et il en réalise même  parfois comme Arthur Rimbaud in Verdun en 2020.

L’album est une fiction construite par Penny Rimbaud en imaginant place d'Arthur Rimbaud (mort en 1891) dans la tragique bataille de Verdun en 1916. L’idée est pour l'auteur britannique d'explorer les possibilités de la perception d'événements aussi drastiques par le jeune vagabond et poète aux semelles de vents.

Penny Rimbaud : « En vérité, j'ai fait atterrir Arthur Rimbaud, là-bas, parce que je suis  obsédé par l'idée de savoir comment le plus grand des poètes français aurait pu se comporter face aux énormités de la guerre. Je me demande quelles leçons ils aurait appris et ensuite ce qu'il aurait pu transmettre à une planète encore toujours si obsédée par le conflit, le chagrin et la souffrance. »

Avec 3 saxophonistes, s’inspirant des sons de John Coltrane et d'images de Jackson Pollock, Penny Rimbaud explore l’inconnu avec son idole et homonyme pour offrir un album concept unique qui conte une histoire captivante de mort et de romance.

Penny Rimbaud : « Je partage son humour, sa peine, sa passion, sa poétique, même si parfois je suis lassé de ses obsessions, je rumine. Combien de fois m'a-t-il crié « regarde » à propos de quelque chose que je ne pouvais tout simplement pas voir. "Là-bas. Regarde, regarde, là-bas », où pour moi il n’y avait que ténèbres et mort. Quand je suis le plus fatigué, il m’appelle souvent Paul, mais la plupart du temps, je suis trop épuisé pour lui répondre. Mais l’amour, nous l’avons fait, nourri par les fusées éclairantes, brisé par les obus, choqué par les explosions, bras dessus bras dessous jusqu’à ce que les bras n'existent plus. Bien de ceux que nous rencontrons le long de ces tunnels turgescents de la mort à un moment ou à un autre réclament la pitié pour eux-mêmes, Arthur la refuse. Tout et n’importe quoi, revenant à traduire à nouveau à se défier des prétentions bourgeoises ou à reformuler la confrontation au dogme matérialiste.

Nous sommes amants. Nous sommes amis, sublimes dans notre parenté, mais j’ai l’étrange pressentiment qu’aucun de nous ne va survivre à la terreur de Verdun. Ensemble, nous nous  vautrons dans les flèches de sang, d'os et les lambeaux de chairs déchirées. qui étais-je ? Sans plus savoir lequel de nous deux est encore une chose, et sans plus pouvoir parler du qui j'étais, unique chose si cruellement uni comme une  seule chose dans le squelette. Oui, nous sommes des détritus, et c’est là que nous nous retrouvons nous-mêmes, les uns les autres. Le vide est complet, puis une autre aube se lève au-dessus du carnage"

L’ambiance sombre et vivement entêtante ; imprégnée de free jazz, elle est ponctuée par la diction lyrique de Penny Rimbaud, il peint des images de l’expérience chaotique de la Première Guerre mondiale. Habitée, l'obsédante lecture est impitoyables dans son réalisme détaillé, non seulement c'est remarquablement suggestif, mais c'est lu d'une manière si convaincante que l'on oublie vite facilement qu’il s’agit d’une fiction. Réalisation exceptionnelle réalisé, brutale par moments, incroyablement poignante du début à la fin, « Arthur Rimbaud à Verdun » ne ressemble à rien d’autre en terme de sujet et de sons poétiques ; ici, l'expression Performance poétique prend véritablement tout son sens. 

Penny Rimbaud s'est adjoint trois sacrés saxophonistes pour trouver l'aide afin de peaufiner, finaliser sa vision. Evan Parker est reconnu dans le monde entier comme l’un des joueurs de jazz des plus talentueux. Ingrid Laubrock est devenue l'une voix majeure en tant que musicienne dans l'inspiration libre du free jazz et toujours très  inventive, aussi elle est compositrice. Enfin, Louise Elliott, qui se fait passer pour une outsider a découvert le jazz à travers une formation classique mêlée au punk-rock, de là toute la force de ses attaques rugueuses. Ces trois musiciens forment ensemble une stupéfiante démonstration pyrotechnique de  saxophones, un feu d'artifice sonore qui correspond à la poésie pluridimensionnelle de Penny Rimbaud et de son approche dramatique de la performance poétique. 

               à écouter via le lien ci dessous                ▶︎ Arthur Rimbaud In Verdun | Penny Rimbaud


BQN n°2 - Page 17 : VERS NOUVEAUX d'Arthur Rimbaud d'après Ivar Ch'Vavar aux éditions Lurlure. - Illustration musicale : "Vers Nouveaux" d'Arthur Rimbaud par Dick Annegarn.

 Édition d'Ivar Ch'Vavar

Ivar Ch'Vavar a fait cette édition pour les amis, cette présentation ou mise en ordre, disons, de poèmes qui le fascinent depuis plus de cinquante ans, qu'il a relus toujours, dont l’importance dans l’histoire de la poésie lui paraît extrême – et qu'il a toujours trouvés mal publiés.


Il faut reconnaître que les Vers nouveaux posent de sérieux problèmes d’édition, insolubles même, dans l’état actuel de nos connaissances. Certains de ces poèmes sont datés, mais l’ont-ils été au moment de la première écriture, ou bien – plutôt ! – au moment d’une mise au net, ou d’une simple copie ? Il n’est pas évident d’établir dans quel ordre ils ont été écrits, alors qu’il serait si important de le savoir, car une avancée majeure de la poésie se joue ici, en très peu de temps.

Ivar Ch'Vavar a établi, après une étude minutieuse, une nouvelle proposition pour l'ordre de ce corpus de poèmes d'Arthur Rimbaud et, à la suite, il s'en explique dans une très longue et instructive note.

ISBN: 
979-10-95997-55-9
72 pages
120 x 185 mm
10 euros
Parution : 05.04.2019 - Collection : Poésie aux éditions LURLURE 
Emmanuel Caroux 
7 rue des Courts Carreaux
14000 Caen (France)
Tél. 06 78 54 53 82



vendredi 20 décembre 2024

BQN n°2 - Page 15 : L' AMERIQUE D'ELVIS de Laurence Fontaine. - Illustrations musicales : "Elvis avait l'air d'un ange" par Dick Rivers & "Stranger in my Own Home Town" & "Blue Moon" & "Heartbreak Hotel" par Elvis Presley

 



     ...Nul ne resplendira après la nuit qui lapida le Dieu                 et je suis frappé, aussi solitaire qu'un artisan sacré,                                             par le soleil...              - Dylan Thomas 

Je suis un passionné et collectionneur de disques de blues et de rock, toutes tendances confondues, je possède de très nombreux enregistrements d'Elvis Presley que j'ai toujours considéré comme un sacré chanteur, moins comme un rocker pourtant j'adore sa période Sun Records, une espèce d'ange, tel que l'a chanté Dick Rivers Elvis avait l'air d'un ange, mais un ange déchu. J'avoue que jamais j'ai cherché à explorer afin comprendre le mythe et même si j'adore les ouvrages de Greil Marcus, je n'ai pas lu son livre Dead Elvis, ni été voir le biopic Elvis, paru en 2022.

L'exploration du mythe d'Elvis Presley, Laurence Fontaine, journaliste douaisienne, l'a effectuée avec passion, méthode, brio et à l'arrivée son investigation donne un ouvrage qui est tout autre chose qu'un live de fan ; il a un puit de détails sociologiques et culturels qui conférent au final, sans être une analyse pseudo scientifique, une dimension à l'ouvrage qui offre à s'immerger dans l'histoire de quelques décennies d'une nation que le destin d'Elvis Presley illustre, bien plus que symboliquement puisque incarnée, comme la mise en abime de L'Eldorado, ce fameux rêve américain.

Le pauvre ! Elvis dés sa naissance semble prédestiné à subir une tragédie shakespearienne, tous les éléments sont réunis pour que s'écrive un drame existentiel dans le contexte d'une société pleine de promesses trop souvent non respectées, bafouées. Elvis Presley a du sang indien, comme l'immense Jazzman Charles Mingus ce sont des métis et de par là ils sont victimes d'une souffrance identitaire dans une nation dans laquelle toute une très large communauté doit, encore et toujours, lutter afin d'obtenir l'égalité des droits civiques, plus simplement de ne pas se résigner  pour essayer de vivre dignement, c'est l'un des aspects, en toile de fond, que donne à saisir le livre de Laurence Fontaine que je ne vais pas plus, ici, vous raconter, je vous recommande de le lire.

Au terme de ma lecture de L'Amérique d'Elvis, personnellement j'arrive en conclusion au sentiment que je présentais aux sujet de celui que l'on surnomme THE KING, je l'appréhende plutôt comme un Prince, un ange déchu, à la voix pure, jusqu'à la fin de ses fins celle ci le restera, elle est, celle d'une âme qui ne l'est pas moins pure, voir enfantine, certes elle est en proie aux tourments puisqu'elle doit se débattre dans un contexte environnemental globalement hostile ou corrompu, souvent les deux aspects alliés,...


...L'Amérique d'Elvis avec adresse  offre à mesurer avec justesse ce paramètre qui fait qu'Elvis Presley demeure un étranger incompris,  d'ailleurs il le chantera : Stranger in my Own Home Town/Etranger dans ma propre ville natale. Laurence Fontaine au terme de sa passionnante narration, évoque donc à juste titre L'Etranger de Marcel Camus. Elvis Presley reste un étranger.

On peut par certains aspects comparait le mythe d'Elvis Presley au vol Icare ;  pour ma part, ici, je convoque le visage de Jésus, que l'on nomme bientôt Le Roi des rois, je ne suis pas croyant, ce dernier m'avait que sa parole liée sa foi en l'amour pour réaliser des miracles ; Elvis n'avait que sa voix et sa foi... Elvis avait l'air d'un ange.

Christian-Edziré Déquesnes.


L'AMERIQUE D'ELVIS de Laurence Fontaine
aux éditions Planet Hyperion
186 pages.

mardi 17 décembre 2024

BQN n°2 - Page 14 : "SKIN DISEASE" de Jean-Luc Galus .- Illustration musicale : "Skin Disease" de/par Marquis de Sade.

 



SKIN DISEASE 
Marquis de Sade « Chorus » - Antenne 29 - décembre 1979

« You’ve got a skin disease… » Et vous qu’attendiez-vous jusque-là ? Comment aviez-vous étanché votre faim jusque çà ? Quoi pour vous nourrir ? Parce qu’avant cela seul Brel semblait pouvoir soule- -ver une montagne en chantant Amsterdam. Et bien qu’on découvrit quelques mois après cela quasi mutique quoique convulsionnaire celui qui post-mortem demeurera certifié référence suprême : Ian Curtis de Joy Division… Jamais . Jamais ce qu’on nomme événement jamais rien de cet acabit ne se sera ainsi produit ! Ouverture au noir incisive le disque du générique tourne tandis que s’affiche le nom du groupe sur des esquisses. Ça sent le soufre : Marquis de Sade ! L’électricité du premier titre se propage déjà… Le neuf décembre mille neuf cent soixante dix-neuf sur l’écran de la télé ce fut semblable à la première goutte de l’orage qui provoque l’onde de choc ondulant la surface d’un lac volcanique. Le chanteur sillonne la scène comme s’il s’agit d’un puzzle capricieux de plaques tectoniques. Il trace de ses dix doigts des feux d’artifice semblables à des flagelles à l’arrêt. Dès lors on suit ses traces : on entre. Il y aura eu des occasions qu’on regrettera d’avoir manquées tout le reste de sa vie car souvent ce qui vaut la peine d’être vécu n’apparait que furtivement ! Mais cela continuellement embusqué dans un angle-vif de ma mémoire n’en fera pas partie ! Bousculant mon existence pire que la débandade affolée sur les marches de l’escalier à Odessa dans le Cuirassé Potemkine ce-à m’aura poursuivi jusqu’à aujourd’hui où j’écris ! Six garçons ont lustré leur peau sur le rabat satiné de leur costume électrique. L’un tisse des guipures ajourées comme la caisse rougeoyante de sa guitare afin de montrer de quel bois il se chauffe quand l’autre fend la vague tel le Capitaine Achab qui se cabre face à Moby Dick aux abois. … Les vois-là pour la première fois ! Les voilà ces seigneurs aussi émaciés que des duchesses morphinées. Dans l’œil du cyclone j’ai vu ! Des effets de dislocation des parties de corps séparées supprimant tout point d’appui C’est une remise en question des lois de l’équilibre ! J’ai vu un danseur en lézard morose enchainer les zigzags j’ai vu un boxeur trébuchant j’ai vu un forçat forcé aux fers les jointures oxydées sous l’orage que les autres déversent. Et le groupe tresse des cumulus de suie où semblent s’ébaucher de sombres présages que nul aruspice n’aurait su voir se dessiner : sombres augustes comme dans un simple marc de café.   

Signes de menace ou de fatalité ? Le voilà lui ! Fil-de-fériste en appui précaire culbutant le bel ordonnancement de l’univers. C’est un danseur escaladant à la suite d’Eurydice jusqu’au-dessus le volcan comme s’il s’était extirpé des enfers dans un escalier en hélice aux marches lissées par des siècles de circulation ! Au milieu d’eux le voilà ! Equilibriste dont les contorsions convoquent Francis Bacon. Parmi eux le voilà en Christ tiré à quatre épingles. Egon Schiele en Saint Sébastien ! Celui-là qui danse endigue le tourment… L’heure du hold-up est venue. Sur la scène du Théâtre de l’Empire me saisissent ces raffinés plus beaux que des fresques byzantines dégagées des plâtras dans Sainte- Sophie à Istamboul ! Des dandys de cabaret en costard droit ou croisé qui décochent des directs des doubles croches des éclats…. Une esthétique pyrotechnique ! L’entrelacement brasillant des guitares l’échine soyeuse de la rythmique les mouvements et la gestuelle au lieu de se tenir à distance me sautent aux yeux ! J’essaie de renouer avec des visions anciennes… Ce choc esthétique s’est produit à cet instant-là devant moi sur l’écran. SKIN DISEASE WHO SAID WHY ? CONRAD VEIDT SET IN MOTION MEMORIES

No mow tchoyce no mow voyce no mow voyce aïe donte want tou(e) ire visse inoeu voyce itse so so ard(e) tou teyk(e) wan’se tchoyse and(e) naow aïe’m(e) frowingu(e) ahout maïe zowtsse. Youh lin(e) youh eide euponn youh fraind’ss(e) chouldeuh baqu(e) in(e) veu(h) ouaïte roume eu blonde eire meine djeust(e) eunaveh cèleuh saïlennt(e) smaïl(e)zz eind(e) oplaisse louqu’x(e) wouip(e) off(e) longu(e) chwèd’z(e) o’v(e) draï skin(e) steind(e) eup(e) eind(e) fayce veu ouind(e) oui kot eu skin(e) diziz(e) conn(e)choussness fèll(e) euslip(e) (…)

Ce choc esthétique se renouvelle aujourd’hui à travers ce que je tente de raconter. Je souhaitais aussi que ce-là (quand tout se sera consumé) reste comme dans les livres d’histoire de l’école primaire : Bernard Palissy brûlant ses meubles brûlant les portes brûlant les fenêtres brûlant le plancher même de sa maison opiniâtrement cherchant le secret de l’émail. . Mais maintenant ce dont je me souviens aussi et que j’écris ne reviendra jamais. Ce qui paraissait immuable a fini par ployer ! Des panaches de fantômes glissent dorénavant dans l’obscurité ils mordent ma conscience comme le gel immiscé dans la fissure du mur. Comment raconter cela maintenant ? On ne sait plus rester seul dans sa propre demeure où coexiste une abondance d’absences. Chaque mort glisse des épines sous la peau dans une morsure vivace en un bouquet rosacé. C’est comme si on percevait des explosions dont personne ne semble s’apercevoir… C’est dans sa tête. Qu’est-ce que cela veut dire dans sa tête ? Est-ce un récif couvert de varech ? Est-ce un radeau dans la tempête ? Ou un calvaire de granit dessous la saucée des cieux ?! Pas besoin pour pleurer d’aller plus loin que le bout du jardin… Aucune silhouette cinglant l’air. Leur disparition aura lessivé leur essence dont on conserve en mémoire l’apparence. Pas de danse il y a juste un instant et puis…. trébuchant. On a longtemps cru que l’existence se poursuivrait accélérée par quelque passion ! Tout ce que j’ai aimé qui soulevait mon cœur voilà que ça meurt… On fouille dorénavant sous la cendre alors que sous tout ce qu’on adorait le feu couvait. Désorienté on tombe en peine dans des déviations lentes initiées par quelque intempérie intime… Petites pluies grésillant tel un vieux vinyle de Blues qui égraine la mémoire de fantômes familiers.

 Lequel a poussé la mauvaise porte ? Descendu le mauvais escalier ? Qui a croisé le portier de la nuit avec ses cheveux plaqués comme les ailes noirtes du corbeau d’Edgar Allan Poe ? Les esprits passent certains soirs. On ne saurait les voir sauf sur de vieilles photo- -graphies qui provoquent un appel d’air. On part à rebours. Si seulement on disposait du pouvoir du narrateur : étirer suspendre arrêter. Mais non ! C’est un précipité ! Chaque image fait choir un souvenir. Etrange fruit mûr qui touchant le sol s’égraine en des tristesses remisées croyait-on. Des phénomènes de persistances acoustiques déstabilisants. Un miaulement qui erre dans l’air…. Et cette voix autrefois au téléphone plus troublante que sur les disques. Paralysie de la réverbération. On trébuche contre ces échos d’hallucinations ! Un kaléidoscope tressautant de spectres disparates… Comment ne pas s’y engouffrer ?!? Parfois on sombre dans un précipice. C’est une entaille dans la crevasse une cicatrice dans les entrailles. On entre on plonge on tombe comme dans un trou. Peut-être que tout cela ça n’est plus que des souvenirs ressassés… 

L’incendie avait jailli il y 45 ans sur le téléviseur qu’on regardait et c’était comme si on voyait tout cela se métamorphoser en lave ! L’incandescence de la danse sur l’écran m’avait sauté dessus : un fondu enchaîné comme au gluant du goudron un été brûlant. Ignorant alors que ces embrasements fusant sur fonds d’ombre ne furent que des jeux de lumières qui verseraient finalement leur liqueur noirte ! Comment raconter tout cela maintenant ? Te voici. Tu danses. Tu danses à deux pas du ravin… Celui-là qui danse endigue le tourment ! 

Marquis de Sade « Chorus »/Antenne 2 le 9 décembre 1979 
SKIN DISEASE - Texte écrit par Jean-Luc Galus. 
La photo de Philipe Pascal est une capture d’écran du concert de Marquis de Sade diffusé le 9/12/1979 dans l’émission d’Antoine De Caunes sur la 2e chaine de télévision française.


lundi 16 décembre 2024

BQN n°2 - Page 4 : Présentation de "Mémoires et transmission de MARCELINE DESBORDES-VALMOR - n°5 de la revue "J'écris pourtant" - 2024. + Lettre d'Ivar Ch' Vavar à Chl'Edziré, suivie de la réponse de ce dernier, et dans laquelle il est question, entre autres, de Marceline Desbordes-Valmore. - Illustrations musicales : Petite pièce musicale inspirée par un poème "Ma Chambre" de Marceline Desbordes-Valmore à Claude Vercher pour trois voix égales de femmes , + du Mississippi-Delta-Bues avec Johnny Shines e "N'écris pas (Les Séparés)" poème de Marceline Desbordes-Valmore, sur une musique de Julien Clerc, par Benjamin Biolay.- Première diffusion le 16.12.2024 - 16.

 


Je  recommande à ceux qui s'intéressent à la poétesse Marceline Desbordes-Valmore et/ou à la littérature picarde, le n°5 - 2024 de J'écris pourtant, édité par SEMDV-Société des Etudes Marceline Desbordes-Valmore, que m'a transmis Jean Vilbas, qu'ici, il en soit remercié, conservateur en chef de bibliothèque (Etat), chargé des collections patrimoniales de la bibliothèque Marceline Desbordes-Valmore de Douai.

Important livre-revue de 231 pages dans lequel pour ce qui nous intéressent nous trouvons les deux dossiers ci dessous décrits. 

  • Les poèmes en picard de Marceline Desbordes-Valmore – Alain Chevrier (p. 53-75)
    Sur les trois poèmes publiés en 1896 sous le titre Poésies en patois de Marceline Desbordes-Valmore, deux sont écrits dans la langue de son enfance à Douai. On reproduit ces textes et on en donne la traduction, en les accompagnant de commentaires sur le contexte social de leur création, les genres dont ils relèvent, leurs thèmes en lien avec l’amour maternel, ainsi que le rapport de la poète à la langue picarde.
Suivi de 
  • Trois textes douaisiens sur Marceline Desbordes-Valmore – Jean Vilbas (p. 77-82)
    Célébrée partout en France, la figure de Marceline Desbordes-Valmore trouve aussi un écho dans la littérature douaisienne. Trois exemples sont présentés ici : le poème dédié à l’autrice par Henri Sureau en introduction de La Légende de Gayant ; l’apparition de la statue de Marceline Desbordes-Valmore dans le conseil de guerre convoqué par Gayant dans Le Gardien de la ville d’André Obey ; enfin, le dialogue entre la femme-poète et le picardisant Constant Copin.

Pour tous renseignements et commande :
contact@societedesetudesmarcelinedesbordesvalmore.fr 


 

lettre à Christian-Edziré

 Min Caùmarade,        

 Je te laisse sans nouvelles ! c'est qu'il ne se passe rien. Dans tes derniers envois j'ai particulièrement apprécié (versant musical) le Cat's Blues et Johnny Shines, que je connaissais pas du tout, et qui joue vraiment le blues que je préfère (mon chat Grichka est d'accord avec moi : il aime beaucoup écouter Johnny Shines, beaucoup plus encore que le Cat's Blues !). ET Klara Würtz, qui donne une interprétation étonnante des variations Goldberg. C'est surtout (je crois) que les sons prennent une consistance et une vie particulières. J'écouterai quand je pourrai l'intégralité du disque.

   Sinon, j'ai rencontré il y a quelques jours un garchon que je n'avais pas vu depuis cinquante-huit ans et qui dirige une association culturelle à Berck. Nous avons longuement parlé, Olivier était là. Ce garchon ne nous a pas laissé beaucoup d'espoir pour le subventionnement même partiel de mon dictionnaire du picard de Berck par la municipalité berckoise.

   A ce propos, la revue que je vous ai signalée, à Olivier et à toi, consacrée entièrement à Marceline, et à laquelle Jean Vilbas collabore, risque de ne plus paraître : la ville de Douai lui ayant retiré son aide ! Tu verras ça dans le texte éditorial. -- Marceline a été traduite en russe, toute une anthologie, en 2018, et elle était au programme de l'agrégation l'année dernière ou il y a deux ans, ça n'est pas rien ! Mais la France sombre dans l'inculture, même la haine de la culture, ses "élites" en tête, évidemment !

   Nous partons maintenant chez un ami russe, Dominique et moi, pour fêter la déconfiture du milieu politico-médiatique à l'occasion des élections américaine. La bouteille de vodka nous attend.

   On t'embrasse bien

Ivar

***************

Réponse à Ivar Ch'Vavar

Min Caùmarate

Pour réponse, là, je te transmet la vision d'un document que j'ai trouvé, ramassé dans une caisse et sauvé, destinée aux encombrants, sur un trottoir du centre ville de Douai, devant une boutique de secondes mains.

Donc parmi des invendus dont les destinées sont de terminer aux ordures, un poème en picard dousaisien de Marceline Desbordes-Valmore. 

Tout est dit, non ?

Nous vivons une époque extraordinaire !

Ej' vo's inbrache aveucq forche, Dominique pi ti.

Chl'Edziré.








vendredi 13 décembre 2024

BQN n°2 - Page 9 : Vlaanderen mijn land/Flandre, mon pays + 4 autres poèmes de T‘HOOFT Jotie (1956-1977), adaptations françaises de Christian-Edziré Déquesnes . - Illustrations musicales : "Cerebellum"*, "White Light/White Heat" de Lou Reed avec The Velvet Underground, "Same"*, Een Doodshoofd"*, "Napoleon"* & "This is The End" de The Doors. - *Poèmes de T‘HOOFT Jotie par Jan Eilander et extrait du 33 tours "Jan Eilander Zingt Jotie T 'HOOFT". Première diffusion le 29.11.2024 - 29.



Vlaanderen mijn land


Orchideeën bloeien er niet, enkel papavers

Met suf sap dat haast geen dromen bevat.

Rivieren zonder vis en met weinig kadavers

Van dieren. Soms een mens, of een rat.


Hier groeien de bastaarden op,

Zwakzinnige zonen der geschiedenis

Wiens vaders stikten in een strop

Terwijl de moeders kreunden in het lis


En de Spaanse greep van een soldaat.

Dat is nu voorbij. De tijd regeert

Zonder maat: mens, land en verraad.

Deze pest heeft er zichzelf verteerd


La Flandre, mon pays


Ce ne sont pas les orchidées qui y fleurissent, ni les coquelicots

Avec un jus somnolent qui ne contient presque plus de rêves.

Des rivières sans poissons et avec peu de carcasses

Des animaux. Parfois un humain, ou un rat.


C’est ici que grandissent les,

Fils faibles d’esprit de l’histoire

Dont les pères s’étranglaient avec un nœud coulant

Tandis que les mères gémissaient dans le lys


Et l’emprise espagnole d’un soldat.

C’est fini maintenant. Règles du temps

Sans mesure : l’homme, la patrie et la trahison.

Ce fléau s’est consumé lui-même

Junkieverdriet

[...]

Licht van alle licht, licht

Dat niet dooft met de dagen en mijn geheugen

Voortdurend doorschijnt, licht licht

Dat niet zinkt in de stof het woord

Dat muis is knagend binnen klein bestek,

Licht dat bomen doorruist en water, licht

Dat leeft op de vloedlijn bij springtij,

Tussen afkick en hit, wit licht, witte hitte.


Chagrin de junkie

[...]

Lumière de toute lumière, lumière

Cela ne s’efface pas avec les jours et de ma mémoire

Lumière lumineuse et lumineuse en permanence

Cela ne s’incruste pas dans la substance du mot

Cette souris ronge à petite échelle,

Lumière qui bruisse à travers les arbres et l’eau, lumière

Qui vit sur la ligne de marée à marée du printemps,

Entre flue et reflue, lumière blanche, chaleur blanche.



Samen

 

Moeder, gij hebt mij moeizaam uitgespuwd

En van elk jaar de harde striem verdragen

Want mijn waaien was niet gauw geluwd

Ik wou eerst in alle kieren klagen.


In uw hagelwit harnas gemetseld

Zijn wij samen door de tijd verwond

Die ons nimmer wilde dragen

En bittere lijnen kerfde rond de mond:


Of er een vrucht is van dat alles

Vraag ik mij niet langer af,

Maar ik probeer u te benaderen,

Nog even, voor het graf.


ENSEMLE 

Mère, avec peine tu m’as craché dessus

Et j'ai endurer la dure sentence chaque année

Car mon souffle ne s’est pas calmé de sitôt

Au début, j’avais le désirs de me plaindre partout.


Lumineuse dans ton armure blanche comme neige

Sommes-nous blessés ensemble par le temps

Qui n’a jamais voulu nous porter

Et des lignes amères taillées autour de la bouche :


S’il y a un fruit à tout cela

Je ne me pose plus la question,

Mais j’essaie de t’approcher,

Juste un peu plus longtemps, devant la tombe.


Eenhoorn


Here, zonder naam en zonder gezicht

Zie vanuit den hoge

Op uw droeve eenhoorn neer

Die danig hunkert naar uw licht,


Die sierlijk door de wouden dwaalt

Maar bladeren geen voedsel vindt,

Die voor de poort der doden draalt,

Allen bladeren op uw wind.


Here, zonder handen zonder stem

Snij de lichtlans van zijn voorhoofd

En vang hem in uw stalen klem

Voor de wereld hem de glans ontrooft,


Lok hem langs de stapsteen sterven,

Niet als anderen domweg gedoofd

Maar rein, vrij van bederven

Langs de kruisweg waar hij in gelooft.


Licorne


Seigneur, sans nom et sans visage

Voir d’en haut

À bas ta triste licorne

Qui aspire à ta lumière,


Qui erre gracieusement dans les bois

Mais les feuilles ne trouvent pas de nourriture,

qui s’attarde devant la porte des morts,

Tout part au vent.


Seigneur, sans mains, sans voix

Coupez la lance de lumière de son front

Et attrapez-la dans votre pince d'acier

Avant que le monde ne lui en vole l’éclat,


Attirer la le long du tremplin pour mourir,

Plus autrui qui est simplement éteint

Mais propre, exempt de corruption,

Le long du chemin de croix, leur certitude.

Le Plat Payé


Veel is er gestolen, er wordt beslopen

en beraamd: hinderlagen liggen daar

voor hinden klaar. Het regent er.


Tussen korte benen van kerktorens stroomt grauw

volk, rivieren her en der waar achteloos boten

bloot op drijven.


Zwaluwen komen er telkens minder: onder hoevedaken

hangen hun nesten leeg of boeren stoten ze stuk,

toevallig, bij het dorsen dat elders gebeurt.



Enige varkens, schaduwen flankeren hun lawaai

of smoren het. Langs trage koeien passeren

treinen waarin reizigers achter ruiten verstijven


En niet lang blijven.

hier baarde oefening vermoeidheid

en moeheid een vroege, lakse dood.


Le Plat Payé


Beaucoup de choses ont été volées, il y a du harcèlement

Et complot : des embuscades s’y trouvent

Prêt pour les biches. Il pleut.


Entre les courtes jambes des clochers d’église, des coulées grises

des gens, des rivières ici et là où les bateaux sont négligemment

des flotteurs nus.


Les hirondelles sont de moins en moins fréquentes : sous les toits des fermes

leurs nids sont vides ou les agriculteurs les écrasent,

par coïncidence, pendant le battage qui a lieu ailleurs.


Des cochons isolés, des ombres assènent leur bruit

en l’étouffant. Passage des vaches lentes

Des trains dans lesquels les passagers se figent derrière les fenêtres


Et ne restez pas longtemps.

Ici, l’exercice a donné naissance à la fatigue

et la fatigue, une mort précoce et laxiste.


jeudi 12 décembre 2024

BQN n°2 - Page 12 : LOUIS. F. DECHRISTE (1818-1896) de Douai.- Illustration musicale : Le Beffroi de Douai.


Louis. F. Dechristé de Douai (1818-1896), imprimeur, écrivait des chroniques dans une gazette de Douai, par la suite, ces chroniques  sont publiées dans un ouvrage en trois tomes "Souv'nirs d'un homme d' Douai dé l'paroisse des Wios Saint-Albin, aveuc de bellés z'images, croquis historique en patois douaisien" par L. D. Dechristé ; il a également écrit d'autres livres en français, notamment sur Douai pendant la révolution française.

Louis. F. Dechristé était membre de La Société Liégeoise de Littérature Wallonne ; avec Marceline Desbordes-Valmore et Théophile Denis, il est l'un des auteurs majeurs en picard douaisien dont l'on peut dire qu'à la lecture à haute voix que le picard résonne clair comme le carillon de sa ville natale, cité de Gayant.

Christian-Edziré Déquesnes.

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[...]                                                        À propos ! in parlant d'tout cha : Quoche que chet, à no' hôtel d'Académie, de ch'tiot bâtimint qui n'y à doite din chés rues tout près pou tourner pa l'rue de l'Comédie ?... Y n'y in a qui dittent comme cha : - Chet l'loge de ch'portier ; un aute : - Chet un parloir ; un aute : - Chet ch'l'indrot dù qu'un mettra chés cannes et chés parapluies, comme quand qu'un inte à ch'Muséum ; un aute, aute cosse... - Tout cha, ch'ét possibe, mais j'n'in sais rien, et un m'frot bin plaisi d'tirer cha au clair...                                      [...]                                                         - Extrait du tome 2, paru en 1857, de Souv'nirs d'un homme d'Douai de l'paroisse des Wios-Saint-Albin.

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[...]                                                  Dechristé a écrit en prose, mais il est bien plus poète que la plupart de nos versificateurs ! Par chance, il l'ignorait, semble-t-il.- S'il l'avait su, sans doute eût-il "composé des poèmes" et se fût-il, pour cela, quelque peu rogné les ailes... Nous ne connaîtrions pas, en tout cas, cette prose délicieuse, l'une des plus déliées, des plus élégantes que nous puissions lire en picard... il écrivait au fil de la plume, sans prétention littéraires affirmées et cela donne à son style un naturel, une fraîcheur qu'aucune rhétorique ne vient gâter. - Avec cela, la phrase est picarde !            [...]                                                       Il y a en Dechristé un Aloysius Bertrand débarrassé de l'écriture "artiste", un Desrousseaux sans la fatigue de la rime et du refrain (ces piétinements), une Marceline Desbordes Valmore sans sanglots dans la voix, un Alain-Fournier qui n'aurait pas eu la prémonition de l'anéantissement brutal de son rêve, un Gérard de Nerval sans la mélancolie...

la qualité poétique de l'oeuvre de Dechristé nous a paru assez remarquable pour que nous tenions à la faire sentir à tout prix. - Ajoutons qu'un seul écrivain, dans l'histoire des lettres picardes, devait retrouver cette veine et l'exploiter avec une subtilité égale : Géo Libbrecht*:*.

Ivar Ch'Vavar                                                - Extrait de LA FÔRET INVISIBLE au nord de la littérature française le picard  - paru en 1985 aux éditions Trois Cailloux.

*Géo Libbrecht de Tournai (1891-1976) est l'un des poètes majeurs, si ce n'est le poéte majeur, du renouveau de la poésie picarde belge.

samedi 7 décembre 2024

BQN n°1 - Page 3 / ONAF WERK TERUGGEVONDER (Travail inachevé retrouvé) de Kloot Per W LUCIE + À LA PLAGE d'Ivar Ch'Vavar, le dessin pastel est de Kloot Per W. - Illustrations musicales : 'I'm Walrus" (Version Live Corona) de The Beatles par Kloot Per W, 'Lucy in the Sky with Diamonds' de/par The Beatles et 'I'm A Walrus' de The Beatles par Jean-Jacques Burnel (The Stranglers) & Kloot Per W. Première diffusion le 7 septembre 2024 - 24.

Onaf werk teruggevonden/Travail inachevé retrouvé 
de Kloot Per W

Q comme Quidam 
Lettrine de Philippe Lemaire 


En mai dernier quand pour la première fois, je suis allé à Tervurenrenco, j'y ai rencontrer Kloot Per W 'dans le cadre d'une exposition de ses peintures qu'il organisait chez lui ;  Dés mon premier regard, un dessin pastel de Kloot Per W a retenu vivement mon attention car il m'a plus que rappeler un poème d'Ivar Ch' Vavar, il m'a comme 'projeté', à nouveau,  dans "Lucie à ‘p plaje/Lucie à la plage"... Je suis rentré à Douai, chez moi, avec ce dessin-pastel sans titre mais sachant que Kloot Per W aime beaucoup The Beatles*, je l'ai nommé "Lucy Duciel à la plage".

'Lucie à ‘p plaje' que je connais depuis 2001, peut-être même avant, est un poème qu'Ivar Ch'Vavar affectionne tout particulièrement et qu'il a composé initialement en picard berquois, la langue de son enfance, et en vers arithmonymes** (contrainte qu'il a 'inventé'). La revue de poésie occitane "OC"***, en juin 2023, dans son n°145 a consacré plus d'une trentaine de pages à la poésie picarde et avec des textes écrits dans cette langue que Bruno Peiràs a traduit en picard et dont nous donnons la version, ici, à la suite et en final.

Lucy Duciel à la plage 
dessin aux pastels de  Kloot Per W

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                                            Ivar Ch’Vavar

Lucie à ‘p plaje       (picard de Berck)

1.                                                    

Oùstoùt, li i ll’aù vu, solé. Li  preunme.            I s’épiènnhe, i s’ébreulhe, li aviuke, i          Prind sn’éscar ed gairgoènne ! – o wét s’loutchète. 

Ale ét laù — ës’n orteu su ch’règhe intàr            Ech fu d’déwor — pi ch’brun d’inndin                :Éle ale ét laù granne, hœte come é’s ciél. 

Os sranmes dés puches-ed-mér inchpèes à sœtir, ô cui ! Ô cui pou’c camuché, sroét-ti qu’nos zius —    N’sroét-ti qu’no eulh. — Ô, boin rincuin.

Os juanmes é-pi os jouglanmes — su ché’g granne plaje Oz àrbéyanmes ech doù l’amérie. Cri.anmes no cri      D'cachouris dech lu. Éclichès d’àgulhes ed plézi.

Os mouchlinanmes é’s sape, maflès d’:ète djè. Ech     Mélliton dech solé i érifloét chéle lènnhe d’œrèlhes.  Tchi à ‘m mér, din l’ondeur si boènnhe,

Pa-dzou ch’vinte balichè dë zz’émiœlètes — qué  émeute                                                Ed pri:éres ! oh ! kmint qu’chés couleurs i    flayoè't' !                                           Ech dé’s ciél i inpourprindoét ch’bleu dé’s

Ciél —. Ghérblès d’ér, oullonnès d’leumiére, eule bénite,                                           Ché'c caleur nouz avind duska chl’où — noz arons      I glich’të yon sur l’œte din l’afale

Dech’l eure — i lù frot’t’ pi i lù toulh't'.         Su chl’Ésplanade o wét chés wétures cœdes, milantes,  Silinche ed brouits ; chés patarafes i inwè’t’ lùz àrfléts.

:Éle, ed d-u qu’a’s s’a rassatchè, pair            Qué coùlidor brun qu’ale airaù suit dazant-dodayant - Pair qué éstcheusse, qu’d-é’v vlaù, piole ed somé ?


2.

Ô, djife d’ayoùt, soèe d’chire, tcheur tirali —  Lucie, crinkbie ed nos nuits, nèche ed noéréts, Lucie,                                            Rojin d’pichoé, raindjie d’boubes, miloé pérse, ti —

T’é dsu ch’poé — tu foé ch’poéyache —                In fitu d’solé din tn’eulh — reulhe, bluke            Ed no déchnimint — qu’os sanmes tcheudus dinn un

Lincheu d’iode — qu’os bréyons din chés takes    D'onpe dé’s sape — ô, égvilhes aviukes — insùvlichmint, ti, Inglutichmint — ch’n’ét qu’dés miroulhes leu.ates

Qu’tu nous doraù ack ët’ pàrzince — rincuinèe ët      Pàrzince pairade ! — mé o ‘s sèt, éstricitè d’:ète, Niflète-gri, tcheu.ète ed tcheudes, grèfe ed filannes, vènnhe

Dech’l échufëlmint  - o ‘s sèt, mairche, eque ti tu N’sè point à-rièn, candèlhe dech’l étè — àrbe àrbè    Kmint qu’os sanmes, grons d’plonb, tcheurs coéyoutès-

Atcheu.èes dégavéllèes-déssoulinèes d’jins — os pourons... os pourons...                              Os milons téz infourkes ed jean — os sanmes cairpiès  Pair ët’ cavlure — quantt ale passe su ché’p plaje —

À ch’pékamouke ed tin péraje inochint — os nous    Trondlons din ‘p poùrtchrie dë t’bieultè — ô, touiyoù  Os mairchons din tin brin-d’œrèlhe — os vnons,s'pétché

D’no vie, trinche ed no vie, ti, troéyéle            Ed no vie, wadjie d’no vie, tchèsse ed                No vie, tchainve ed no vie, ganne ed no 

Vie — pair é’b bé dech’l Ulfie, pair é’b bèe     Dech’l Utie — pair ché’t tutute dech bleu dech ten —  Lucie a’v varaù — Lucie a’v varaù — Lucie a’v varaù.

 (en vers arithmonymes de neuf : tous les vers « font » neuf mots) 


(version française)

LUCIE À LA PLAGE

1.

Tout de suite il l’a vue, lui, soleil. Lui premier.  Il s’arrache les cheveux, les viscères, lui aveugle, il Prend son élan de gueule ! — on voit sa luette 

Elle est là — son orteil sur la règle séparant          Le feu du dehors — le sombre du dedans. dedans.      Elle, elle est là grande, haute comme le ciel.   

Nous serions puces de sable empêtrées à sauter, ô    angle !                                              Angle aigu où cacher, ne serait-ce que nos yeux —      Ne serait-ce que notre œil. — Ô, bon rencoin.

Nous jouions et nous chahutions — sur la grande plage. Nous regardions le dos de la grosse vague. Crions nos cris                                                  De chauve-souris de pleine lumière. Éclaboussés d’aiguilles de plaisir.       

Nous chiffonnions le sable, essoufflés de gaîté.      Le Mirliton du soleil éraillait la ligne d'oreilles. D'ici à la mer, dans l’odeur si bonne 

Sous le ventre balancé des mouettes — quelle effervescence                                   De prières ! oh ! comme les couleurs filaient vite !    Le bleu du ciel envahissait le bleu du

Ciel —. Criblés d’air, hannetonnés de lumière, huile bénite,                                              La chaleur nous atteint jusqu’à l’os — nos ailerons Glissent l’un sur l’autre dans la profondeur

De l’heure — ils se frottent et se confondent.          Sur l’Esplanade on voit les voitures chaudes, brillantes                                        Silence de bruits ; les enseignes envoient leurs reflets.

Elle, d’où s’est-elle extirpée, par                     Quel corridor sombre qu’elle aura suivi sommeillant-somnolant - quelle secousse la voilà, rafale            de sommeil ?


2.

Ô, visage de jonquille, peau de cire, cœur égoïste —    Lucie, crémaillère de nos nuits, neige de flocons de Lucie,                                              Raisin du vagin, rang de méduses, miroir éteint, toi —

Tu es sur le pli — tu fais le pliage —                  Un fétu de soleil dans l’œil — roue, boucle            De notre décrépitude — par quoi nous sommes cousus dans

Un linceul d’iode — pourquoi nous pleurons sur les plaques                                              D’ombre du sable — ô, chevilles aveugles — ensevelissement, toi,                                  Engloutissement — ce ne seront que merveilles sombres

Que ta présence nous donnera — rencoignée, ta    Présence, à l’étalage ! — mais on le sait, électricité d’être,                                            Narine-griffe, nuque de coudes, tibia de filaments, veine        

Du rétrécissement — on le sait, va, que toi tu ne ne    Sais rien, chandelle estivale — regarde              Comme nous sommes, girons de plomb, cœurs caillés - 

Files humaines dépoitraillées-délitées — nous poudroyons... poudroyons...                          Nous lorgnons ton entrejambe de jean — nous sommes cardés                                             Par ta chevelure — quand elle passe sur la plage —   

Nous marchons dans ton cérumen — nous venons nous pendre Au papier tue-mouche de ton étalage innocent — nous nous Vautrons dans la porcherie de ta beauté — ô, tuyau

De nos vies, tresse de nos vies, toi, truelle      De nos vies, nausée de nos vies, caisse de Nos vies, chanvre de nos vies, jaune de nos

Vies — par le bec de l’Orphie, par la baie          Del'authie — par la tétine du bleu du ciel —        Lucie viendra — Lucie viendra — Lucie viendra. 

 

(version occitane de Bruno Peirà                            de la revue 'OC')

LUCIA A LA PLAJA

1.

Sul còp l’a vista, el, solelh. El primièr.                S’arranca los pels, las tripas, el eissorbat,             Pren vam de gula ! s’i vei lo gargalhòl.

Aquí es, ela - son artelh sus la règla que dessepara dLo fòc del defòra - lo sorne del dedins.                    Ela, aquí-la granda, nauta coma lo cèl.

Seriam piuses de sorra empantenadas a sautar,            ò l'angle !                                           Angle agut per i amagar, e mai pas que los uèlhs -        E mai pas que l’uèlh nòstre. Ò, lo bon recanton.

Jogàvem e rambalhàvem - sus la plaja granda.            Agachàvem l’esquina de l’ondada bèla. Cridàvem nòstres piuladisses                                             De ratapenadas de plen lum. Esposcats d’agulhas de plaser.

Agorrufàvem la sabla, lo gaug nos desalenava. Lo  Mirliton del solelh grafinhava la linha d’aurelhas.      D’aicí a la mar, dins la flaira tan bona,

Jol ventre balancarèl de las gavinas - quin borbolhejadís                                          De   pregàrias ! Fò ! qué fugissián lèu-lèu las colors !  Lo blau del cèl envasissiá lo blau del

Cèl-. Cruvelats d’aire, entavanats de lum, òli senhat,  La calor nos fissa dinqu’a l’òs - nòstras aletas aletas  Lisan una sus l’autra dins la fonsor

De l’ora - se fretan e se confondo                        Sus l’Esplanada se veson las veituras caudas, lusentas, Silenci de bruches ; las ensenhas mandan sos rebats.

Ela, d’ont es que s’es traita, per per                Quin corredor sorne se serà engulhada somelhaira - saunejaira -                                           Per quina bassacada aquí l’avèm , ventòrla de sòm ?

 

2.

Ò, morre de jonquilha, pèl de cera, còr egoïsta - Lucia, cremalh                                                  de nòstras nuèits, nèu de borrilhs de suèja, Lucia,      Rasim de vagina, rengueta de carn-marinas, miralhet atudat, tu - 

Siás sul plec - fas la plegada -                          Una palheta de solelh dins l’uèlh - ròda, bloca          De nòstre degalhadís - que nos estropa dins un

Lençòl d’iòde - perqué ploram sus las tacas              D’ombra de la sabla - ò, cavilhas avuglas - sepeliment,  tu,                                            Engolidura- seràn pas que meravilhas sornas

Que ta preséncia nos donarà- esconduda, ta                Preséncia, a la mòstra ! -  mas aquò se sap, electricitat d’èsser,                                            Narra-urpa, copet de coides, tibià de filaments, vena    

De l’estrechiment - aquò se sap, vai, que tu             Non sabes res, candèla d’estiu - agacha                  Cossí sèm, faudas de plomb, còrcalhat

Tièras Umanas despapachadas-engrunadas-posquejam... posquejam... Espincham ton entrecamba de jean - sèm cardats                                                  Per ta cabeladura - quand se passeja sus la plaja -

Marcham dins ta cera d’aurelha - nos venèm pegar pegar n Al papièr pescamoscas de ta mòstra innocenta - nos Rebalam dins la porcatièra de ta beutat - ò, tudèl   

De nòstras vidas, trena de nòstras vidas, tu, tibla    De nòstras vidas, vòmit de nòstras vidas, caissa de Nòstras vidas, carbe de nòstras vidas, jaune de nòstras

Vidas - pel bec de l’ Agulha de mar, per la baia baia                                                      De l’Authie - pel teton del blau del cèl -           Lucia vendrà - Lucia vendrà - Lucia vendrà


*Kloot Per W a réalisé un album hommage à John Lennon Imagine NO John Lennon - A Tribute que je recommande vivement. Cet Opus a été enregistré avec de très nombreux musiciens belges et à noter aussi la participation de Jean-Jacques Burnel de The Stranglers  pour le titre "I'm The Walrus".


** vers arithmonyme (principe : des vers comportant tous le même nombre de mots) : « ni égaux ni proportionnels, pas plus "à l’oreille" qu' "à l’oeil", ces vers qui pour cela même ne sauraient être considérés comme métriques (fût-ce au sens large de "réguliers") n’en sont pas moins régis par un principe relevant de la plus contraignante métrique : celui, que le néologisme qui en épithète l’appellation a charge de désigner, comme leur caractéristique majeure : ils sont "arithmonymes", c’est-à-dire, constitués d’un certain nombre (déterminé) de mots. Ils relèvent donc d’une métrique sans mètre. » (Jean-Pierre Bobillot, in Ivar Ch’Vavar & Camarades, Le Jardin ouvrier, 1995-2003, Flammarion, 2008, p. 201.).

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