mercredi 4 décembre 2024

BQN n°2 - Page 11 : Au sujet de "LIQUID LOVE", exposition à Ostende de Marieke Janssen. - Illustration musicale : "Watermusic" de William Basinski & "L'hymne à l'Amour" par Yo Yo.

 



Marieke Janssen crée un travail qui interpelle immédiatement, émeut souvent ou excite immédiatement les spectateurs. Ses œuvres semblent éternelles ; elles semblent simples à première vue, parfois presque enfantines et naïves, mais en même temps elles sont excentriques, un peu aliénées, un peu exentrique, et toujours aussi accomplies et profondes.

Ses œuvres s'expriment généralement directement aux spectateurs. Car Marieke travaille avec une nécessité intérieure, elle dessine et peint sans réfléchir, elle travaille spontanément, non piégée par les règles académiques, n'a pas peur de faire des erreurs ou de perdre le contrôle. Son travail est autodidacte, déjà renseigné, maintes fois et encore, sur la découverte de soi, ce qui rend son travail très frais. Elle incarne « l’art de l’imperfection » comme aucune autre, wabi sabi, comme les japonais le nomme.
Mais il y a bien plus, elle travaille de manière informelle et avec une doublure gratuite de brosse, Marieke a développé son propre style immédiatement reconnaissable. Reconnaissable est la propre texture de couleurs, souvent des couleurs pastelles, sa singulière sensibilité, dans laquelle les humeurs intimes et les sentiments existentiels nourrissent le coeur au final. Dans son travail il y a beaucoup de tendresse, d'affection, d'intimité, de présence humaine. Le visage humain est bien présent. De plus, il y a aussi un élément onirique dans ses tableaux. Une sorte de surréalisme entier ; il y a toujours ces couleurs presque translucides, qui n'ont pas de contours forts, ce liquide (amour liquide !) sont, toujours contenant une faim lyrique pour l'infini ou un clin d'œil à l'inconcevable, l'inexpressible.
Marieke est parfois liée à un nouveau figuratif. , parfois avec des échos néo-expressionnistes, parfois ils viennent de l'art brut, etc. Heureusement, le travail de Marieke n'est pas aussi évident que la course de l'eau d'une rivière. Cela prouve à quel point son travail est original. Il y a des affinités avec les portraits ascendants de la peintre américaine Alice Neel (1900-1984), qui a réalisé entièrement sa singulière œuvre figurative au début du siècle dernier et a dû attendre d'avoir 74 ans pour être reconnue, mais le travail d'Alice Neel est plus brutal, plus confrontant que les peintures de Marieke.
Si je m'autorise à citer quelques bons points de contact avec quelques grands peintres, alors j'évoque d'abord Paul Klee. Je pense ici tout d'abord aux " anges de Paul Klee", qu'il a dessiné et peint lors de sa dernière étape de sa vie et à laquelle j'ai consacré un essai entier de mon livre "Signes of the Invisible". Autrefois, lors d'une visite d'une exposition de dessins d'enfants, Paul Klee a admis avec raison : « Quand j'étais aussi vieux que ces enfants, je pouvais dessiner comme Rafaël. Il a fallu de nombreuses années avant de pouvoir dessiner comme ces enfants. » Cette déclaration démontre que l'impuissance souvent visible et enfantine de Paul Klee dans son travail ultérieur était le résultat d'un long processus de détachement, au cours duquel il a finalement cherché à commencer à dessiner et à peindre à partir de zéro. Paul Klee a fini avec cela, Marieke par contre commence comme cela en somme.
Une deuxième grandeur que le travail de Marieke me rappelle c'est Marc Chagall, lui aussi a peint des anges, notons le au passage. La texture des couleurs est fort attrayante, la doublure de pinceau libre, spontanée et merveilleuse, démontrent une certaine affinité. Surtout dans les plus grandes œuvres de Marieke, dans lesquelles les personnages et les objets sont peints sous crise et nous rappellent les œuvres de Chagall où on peut voir un autre ordinaire des personnages et des détails.

Enfin de manière plus en général, c'est surtout l'étonnement spontané et surtout l'enchantement que je rencontre aussi bien avec Marieke que Chagall ; au sujet duquel, un jour, j'ai écrit u: "L'art est le bouclier de l'enchantement". Y a-t-il une meilleure définition pour le travail de Marieke ?

26-11-2024

Antoon Van le Braembusche
Philosophe de l'art
Photo de Luk Defait



LE SENS DES DETAILS QUI TUENT,L'HYMNE À L'AMOUR de l'oeuvre de Marieke Janssen d'Ostende.

Les oeuvres de Marieke Janssen, à leurs manières, sont toujours décalés, émouvantes, voir hors du temps et singulièrement excentrique avec toujours ce que je nomme un détail qui tue comme ici un regard qui louche venant accentuer le bancal des lèvres, ailleurs c'est une lune jaune comme un soleil dans la nuit, ailleurs c'est, sur l'épaule d'une Dame, deux prétendants qu'une lame blanche de la vérité au bas du tableau viens bientôt séparer, puis enfin c'est ce cadre blanc et rectangulaire qui à la manière qu'utilisait Francis Bacon, améne le regard à privilégier notre regard sur les levres rouges ; et je me souviens aussi, tous les jours, de ce chat noir, ce symbôle de l'authentique anarchie, aux côtés d'Arthur Rimbaud. Conscient ou inconscient, Marieke Janssen et sa peinture c'est ce sens, cette force, peut-être surtout du détail qui tue et qui d'un coup met en abime nos certitudes.


J'ai eu le privilège de l'observer, chez elle et dans son univers intime, dessiner sans réfléchir et recomposer ce qu'elle voyait, sur la page, des personnes et situations autour d'elle. Les lignes et les couleurs venant avec un spontanéité de la réflexion, du miroir, de son âme, de son karma. Sans pudeur, ni vergogne, elle traduit, un autre possible du réel avec une fausse nonchalance et surtout une spontanéité avérée.

Un livre pour enfants de Marieke "Klaas and the Lonely Knee Stocking" est paru à Skribis. Elle a aussi réalisé les dessins du livre "Marefrima", écrit par Stefaan Pennynck. Marieke a dessiné au Theater aan zee, Place Muzette à Gand, pour l'organisation à but non lucratif Boegbeeld, Het Leeshuis, et bien d'autre chose encore... comme un Arthur Rimbaud avec un chat noir qui a été publié dans le n°1 de la revue-blog française et picarde BQN/l'Brun Qui Nache.


Les détails qui tuent sont le liquide invisible, secret, de l'hymne à l'Amour de Marieke Janssen.

Christian-Edziré Déquesnes.


L'exposition LIQUID LOVE est visible jusque fin décembre tous les samedis & dimanche, entre 14 et 16h, au Sint-Franciscusstraat 4 à Ostende.


- Marieke Janssen -
Photo de Lieve Cornelis.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire