POUR N'EN FINIR JAMAIS AVEC KONRAD SCHMITT
Episode 1.
Nous corrigeons
ainsi le titre – Pour en finir avec Konrad Schmitt – d’un
texte – non signé* – paru dans le n°5 du Corridor bleu (1999),
revue fondée à Cambrai par Charles-Mézence Briseul, qu’i étot core garchon dech
tenp-la, mais fortement attiré par les littératures excessives. Depuis, le
Corridor bleu, passé à La Réunion, a fait des pas de géant.
Le
titre Pour en finir avec Konrad Schmitt était sûrement pour
l’auteur un hommage – en forme de provocation. Quoi qu’il en fût, il nous a
paru nécessaire de remettre en circulation ce beau texte.
Nous
avons repris le poème de Konrad Schmitt qui le suit dans la plaquette Canchons
& chansons, éditée en 1998 (avec un cd) par L es Secondes Editions du K (Divion). L’orthographe
a été légèrement modernisée. On notera que ce texte a été écrit il y a cinquante-et-un
ans. Son auteur était alors âgé de dix-huit ans. — Mais où fuit
donc la jeunesse du monde ?
* On l’a attribué tantôt
à Sergine Malot, tantôt à Irène Châtiment, mais Ivar Ch’Vavar refuse l’idée
qu’il ait pu être écrit par une femme.
Seul
élément permanent durant les cinquante-sept mois d’existence du groupe
surréaliste de Montreuil-sur-Mer* : de septembre 68 au 5 mai 1973 :
le personnage de Konrad Schmitt en est la figure de proue. Il n’a donc vécu que
quelques années aux alentours des 70"s et de Berck, dans le village de
Buire-le-Sec**. Marginalisé, isolé des autres, complètement incompris ;
familier avec la bouse de vache, la terre des chemins, l’herbe des pâtures et
les épis des champs, il était animé d’une activité intérieure et émotionnelle
tellement extrême que par la suite il a sombré dans une sorte de dépression
profonde dont il ne s’est jamais remis. Grand consommateur d’éther, illuminé
par la musique de Vivaldi, il doit être considéré comme « le blanc chaman
des Indiens Picards »*** – s’il en reste !? – et le chantre du
« punkisme rural », concept inventée par Ivar Ch’Vavar ;
l’individu y est livré à lui-même, à sa révolte et à son isolement dans un
environnement humain avec lequel il lui est impossible de communiquer. Comment communiquer
avec des bœufs ? Il doit, pour sa survie, impérativement se tourner vers
autre chose : l’exaltation de la nature, la beauté végétale, du ciel,
l’odeur et l’ivresse des paysages, à la recherche de racines plus profondes,
quelque part en lui-même où il peut trouver le repos, la beauté, la liberté
immense.
Les
écrits de Konrad Schmitt font sortir ce chagrin, cette difficulté d’être,
l’écrasement, ce flux d’émotion qui serre la gorge, la tripe.
Il y a
aussi dans cette œuvre à jamais inachevée la volonté de mettre en avant la
révélation et mise en scène d’un « moi-grotesque ». L’alternance de
ce « moi-grotesque » avec une intention poétique dramatique réelle
permet l’éruption d’une brutale dérision ouverte, sur fond de Grande Picardie
résolument ouverte, offerte au reste du monde, sacrifiée****.
Peu entendues, mal accueillies, incomprises à l’époque de leur création, la prose, la poésie et les chansons picardes et françaises de Konrad Schmitt étaient reléguées dans le silence et l’oubli. Aujourd’hui, elles sont de nouveau visibles par le biais de l’engagement des voix de « Chés Déssaquaches », de productions littéraires : « Les Secondes Editions du K. », « Le Corridor bleu », sous la bienveillance d’Ivar Ch’Vavar et sa revue « Le Jardin ouvrier ». L’œuvre inaboutie de Konrad Schmitt témoigne de tous ces débris d’hommes qui titubent, s’écroulent parfois, dans un isolement affectif de plus en plus profond face à un monde qui ne sait plus la mesure de son humanité. .../...
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Cho'r Reuleuse est une chanson interprétée par Chés Déssaquaches (Les Extractions) qui l'ont composé à partir d'un texte de Konrad Schmitt et après l'écoute de bandes magnétiques d'enregistrements brutes de ce derniers, dans la première moitié des 70's, transmissent par Ivar Ch'Vavar à Chl'Edziré qui après une attentive a guidé Chés Déssaquaches dans l'élaboration de cette composition plus proche possible de la dimension poétique de l'oeuvre de Konrad Schmitt. via===> Cho'reuleuse | Chés Déssaquaches | Christian-Edziré Déquesnes (bandcamp.com)
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.../... Konrad Schmitt a certes
exprimé l’élan vital et la révolte dans un milieu opaque, hostile, où il était
livré à sa solitude, mais cette douleur intérieure n’a pas trouvé par la suite
de soupape, l’instinct de vie s’est transformé en instinct de mort, d’autodestruction.
N’ayant plus rien à dire, se sentant écrasé comme dans la mâchoire d’un étau,
il n’est plus qu’un fantôme aride, desséché. Espérer tout de même de ses
cendres, tel Phœnix, le voir un jour renaître. Pourtant définitivement
aujourd’hui, il faut en finir avec Konrad Schmitt par respect pour son dégoût
du régionalisme et du monde des poètes, des écrivains, du narcissisme, de
l’auto-admiration. Il faut en finir avec Konrad Schmitt, inutile de trop le
mythifier, car cela nous empêcherait d’inventer la Poésie, la Picardie, la
Terre de demain qui pourrait à nouveau l’accueillir*****.
Notes de la
rédaction :
* Rappelons que Montreuil
est un des chefs-lieux d’arrondissement du Pas-de-Calais, mais une toute petite
ville.
** L’auteur évoque
probablement ici le départ de Konrad Schmitt pour Amiens dès la fin des années
70.
*** On ignore d’où est
tombée cette expression citée entre guillemets.
****Il y a là une pensée
profonde, qui mériterait que nous la reprenions aujourd’hui pour l’explorer.
***** On s’est rendu compte il y a quelques années que Schmitt pouvait
s’entendre ch’Mite = le Mythe.
*****
Canchon pour Zius-d’cadafe
Quand qu’i passe des vakes Din ch’thioté këmàny tout poureuw I s’dégache ène ondeur agri:ape Dë chl’onpe poéyuse ed chés bibeuws... Man ! qu’ch’ét biœw ène vake ! Eque cha sint boènnhe ! Dzeur sin tchuir printannié, pair plaches, Conme ed’z étoélhes ed colta pinteurèyes I s’aù colèy dés viuz épis d’rake É-pi dz’arcks-in-ciu ed moukes bleuses Qu’is pont’t’ lùs vàrs... Alintour ed sés bieules cornes tortuses, A'v vionne, cho'c canchon dech bouzaù
Pi cho’v vake, inn àrteurnant sés groùs zius d’toér A’m m’foét sènnhe quë m’boénamie ale ét laù... Inn éfét, ch’ét bièn :éle, qué bieultè !
O diroét un nid d'aronnes ! d’aronnes ! Ës’ cavlure d’otonne ale ét tanmint sonptu.euse Qu’n-ëm’ vlaù tcheu in conteinplacion Tchu pozèy dzeur un supérpe bouzaù !... A m’àrbè avùck séz zius d’cadafe Vitreus conme dés marpes ébértchèys : man ! qué bieultè ! Sié, ch’étoét bièn :éle la-baù din ch’canp d'bétrafes A’p piténoét dpu dis mineutes Mé es mi ‘s su tanmin miœpe pi sneu Qu’ej cruyoé qu’ch’étoét ène épeutnèle ! Mi, ‘s sutt indènnhe d’:éle !... Ah ! vièn ici m’file qu’ej të prinche din més braùs pouants Të l’voé-tu, ch' soùlé qu’i s’gloutit conme ène glènnhe tubarte ? Pi vlaù djaù ch’clore avùck sés grannes këminèes d’soéle Qu’i s’piète dzeur chés c ahots moètes pi dorèys... Qu’i glinch’të din cho’n nuit conme dés vavars pubéres, Àrbé pair ichi :
Ch’cairœche éclindichant ed chés goutes ed roùzèye
I reule din chés cotrons d’cho’p pature étonbi Pi din ch’feuyache camuzi d’chés sé:us Os sonme laù conme deus biœs béckbos Insoéyonnèys pair é’f frékteunme ed cho’n nuit.
1973
(traduction)
Chanson pour Yeux-de-cadavre
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