Le babil des nouvelles classes dangereuses
Christian Desquesnes renoue avec le samizdat et la pensée encore plus libre que libertaire pour remettre à leur place certains intellectuels et poursuivre son triple A, Amplification des Ampleurs des Aggravations, ce triple A qui n’a absolument rien à voir avec celui de l’économie capitaliste. Ce cycle signale l’Amplification des Ampleurs des Aggravations contre lequel l’auteur, animateur, nouveau bourreau de Béthune des lettres lutte sous l’égide de Rimbaud et d’Ivar Ch’Vavar son meilleur ami et complice.
L’auteur appelle sa revue “un pauvre périodique”. Il n’en est rien car il renoue avec une littérature et un feuilletage qui avait cours dans les années 70 pas très loin de chez lui avec par exemple la revue “25” animée par Françoise Favretto et son époux de l’époque. Dequesnes - comme il le précise — n’écrit ni pour l’honneur ni pour l’argent mais par nécessité vitale et politique et contre les “bienveillants” des réseaux officiels — germanopratins entre autres.
À savoir tous ceux qui imposent leurs diktats et reçoivent pour cela des prébendes afin d’oeuvrer à l’émerveillements des foules qui finalement ne se réduisent qu'à quelques cénacles ou coteries).
Sont réunis ici sous un apparent disparate des auteurs et artistes ni majeurs, ni mineurs mais acteurs de la poésie . Le responsable lui-même (aux prises avec une flickette) mais aussi Jacques Cauda ce vieux frère, et tout ceux qui travaillent la langue en pressions et dépressions : entre autres Perrine Le Querrec, Jean-Luc Casamian, John M. Bennett, Alain Brissiaud, Marie Christine Menue et Dominique Braux. Tous sont plus ou moins réunis pour un hommage à Ch’Vavar qui clôt la revue que Bob Dylan ouvre par un extrait percutant de son discours lu lors de la remise de son prix Nobel.
Elle est complétée par Passiondale consacré à deux poètes des îles britanniques : le Gallois Hedd Wynn à l’écriture fractale et vivante et l’Irlandais Francis Ledwige qui accueille le lecteur pour un émerveillement là où “des fleurs humides / emplissent l’espace comme des giboulées”. L’ensemble est puissant car commis au nom de la nécessaire délinquance dans la langue (et ailleurs aussi — sexe compris). Un fantastique retour d’un refoulé (alimenté par la morale des religions) nourrit ces pages dont l‘appel d’air constitue un danger suprême.
Ce qui est mis sous le carcan de l’idéologie des maîtres et d’intellectuels lits et rateurs est sabordé non par mots d’ordres mais par l’offense faite à la langue. Elle “faute” ici par actions et non par omission. Cauda et son “Eve Llyne” ne s’en privent pas dans cet espace de “la grande Picardie Mentale” dont selon Dequesnes “Ch’Vavar a re-inventé les jalons” et dans laquelle le corps n’est jamais omis.
Nulle question de punir de telles dé-pensées ardentes. Sade le réfutait par avance par un subversif appel au divin auquel il ne croyait pas dans une lettre à Gaufridy : « Punit-on les pensées ? Dieu seul en a le droit parce que lui seul les connaît ». Dequesnes et ses ouailles clament la nécessité d’un maniement a-nimal de la langue, de ses corps au sein même de la précision cruelle des détails fictionnels ou quotidiens et par la liberté de retourner la pensée contre le réel pour le dénoncer.
Soudain, le langage menace la loi. La cruauté des pouvoirs est mise en évidence par le plaisir et l’outrage accomplis. L’intimité inavouable est tournée moins vers le dedans que vers le dehors dans ce théâtre ouvert de la cruauté et de la joie face à ceux qui veulent couvrir la voix des sans dents de la poésie roturière.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire